L’illusion de la stabilité : Réflexion sur le Cameroun après 43ans de règne.

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L’illusion de la stabilité : Réflexion sur le Cameroun après 43ans de règne.

Après plus de quatre décennies de pouvoir ininterrompu, le régime de Paul Biya au Cameroun incarne une forme de stabilité politique qui, à y regarder de plus près, repose moins sur le consensus populaire que sur une mécanique bien huilée de conservation du pouvoir. Cette longévité politique, rare dans le monde contemporain, soulève des questions fondamentales sur la nature du pouvoir, la résignation des masses et l’efficacité d’un système qui semble fonctionner sans véritable opposition.

Un système verrouillé par les intérêts

Dans un tel régime, ceux qui comprennent les rouages du pouvoir sont souvent ceux qui en tirent le plus grand profit. Ministres, hauts fonctionnaires, hommes d’affaires proches du pouvoir : cette élite forme une classe d’initiés dont la prospérité dépend directement du maintien du statu quo. Leur loyauté n’est pas idéologique, mais pragmatique. Ils n’ont aucun intérêt à remettre en cause un système qui leur garantit privilèges, impunité et accès aux ressources de l’État.

Ce verrouillage par les intérêts crée une forme d’inertie politique. Toute tentative de réforme est perçue comme une menace, non seulement pour le sommet de l’État, mais pour l’ensemble de la pyramide des bénéficiaires. Ainsi, le système se protège de l’intérieur, en neutralisant toute velléité de changement.

La résignation des masses : entre ignorance et fatigue

Face à cette élite, la majorité de la population vit dans une forme de résignation silencieuse. Le système éducatif, souvent défaillant, ne favorise pas l’éveil citoyen. L’accès à l’information est limité, et les médias indépendants sont régulièrement muselés. Dans ce contexte, beaucoup de citoyens ne perçoivent même plus l’injustice du système, tant celui-ci est devenu la norme.

D’autres, plus lucides, choisissent de se taire. La peur de la répression, l’absence d’alternatives crédibles, ou simplement la fatigue d’un combat sans fin, les poussent à l’inaction. Le cynisme remplace l’espoir, et la survie individuelle prend le pas sur l’engagement collectif.

Un autoritarisme feutré mais efficace

Le régime camerounais ne se caractérise pas par une brutalité constante, mais par une forme d’autoritarisme feutré. Les opposants ne sont pas toujours emprisonnés, mais souvent discrédités, divisés ou cooptés. Les élections ont lieu, mais leur issue est connue d’avance. La Constitution est modifiée au gré des besoins du pouvoir. Tout cela se fait dans une relative discrétion, sans les éclats des dictatures classiques, mais avec une efficacité redoutable.

Ce modèle, bien que critiqué, a su s’adapter aux exigences internationales. Il offre une façade démocratique suffisante pour éviter les sanctions, tout en maintenant un contrôle strict sur les leviers du pouvoir.

Conclusion : une stabilité en trompe-l’œil

Le Cameroun de 2025 n’est pas un État en guerre, ni un pays en crise ouverte. Mais cette stabilité apparente masque une profonde stagnation politique et sociale. Tant que le système continuera à servir les intérêts d’une minorité tout en maintenant la majorité dans l’ignorance ou la peur, le changement restera une illusion.

Pourtant, l’histoire montre que même les régimes les plus solides peuvent vaciller lorsque les conditions changent. La question n’est donc pas de savoir si le système tombera, mais quand, et surtout, dans quelles conditions. Le véritable défi sera alors de reconstruire un contrat social fondé sur la justice, la transparence et la participation citoyenne.


Prof. Vincent-Sosthène FOUDA ESSOMBA

ATN

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