Seconde guerre mondiale / Jour de la victoire — l’Afrique s’exclue.

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Seconde guerre mondiale / Jour de la victoire — l’Afrique s’exclue.

‘‘Jour de la victoire.’’ Ces mots rappellent la défaite de l’Allemagne lors de la Seconde guerre mondiale. Chacun s’est approprié une date pour sa gloire. Russes (9 mai). Français, Américains (8 mai). Les campagnes africaines à cette victoire sont oubliées ou tronquées. Plusieurs documents ne donnent pas de statistiques sur le nombre de leurs morts et disparus. Néanmoins, ce sont les Africains qui se sont exclus de l’Histoire. Préférant célébrer les autres.

Enrôlement des soldats africains

Français, Anglais, Belges ont recrutés les forces humaines en Afrique Noire pour combattre en Afrique du Nord, en Europe occidentale, au Moyen-Orient, en Birmanie, en Malaisie, au Ceylan, et aux Indes. Plus d’un million de soldats africains se sont battus aux côtés des puissances coloniales pendant la Seconde Guerre mondiale. Dès 1939, des centaines de milliers de soldats d’Afrique de l’Ouest sont envoyés sur le front européen. Les colonies anglaises fournissent 400 000 soldats en 1940 et les colonies françaises 170 000 soldats. De nombreux habitants des colonies britanniques vont servir de porteurs ou effectuer d’autres travaux d’entretien des troupes. La West African Force (WAF) est constituée des soldats recrutés en Afrique de l’Ouest. Le Nigeria et la Côte d’Or (Ghana) fournissent le plus grand nombre des éléments.

Les soldats enrôlés dans les pays de l’Est de l’Afrique sont regroupés au sein de la East African Force (EAF). Celle-ci est alimentée par le Tanganyika, qui fournit 1 soldat sur 75 habitants, le Kenya, et l’Ouganda. Outre ces trois pays, les Britanniques enrôlent aussi dans le minuscule Nyassaland et dans trois protectorats de l’Afrique australe Bechuanaland (Botswana), Basutoland (Lesotho) et Swaziland. Les Africains de la WAF et de la EAF sont engagés dans plusieurs campagnes en Afrique (Éthiopie et Madagascar) et en Asie (Birmanie, Ceylan et les Indes).

Esclaves des champs pour la guerre

De même, 300.000 habitants non-combattants soutiennent l’effort de guerre par leur travail sur les plantations ou dans les mines. Le Sénégal et la Gambie fournissent les arachides. Le café part du Cameroun et de la Côte d’Ivoire. Le Ghana (anciennement Côte d’Or) et la Côte d’Ivoire livrent le cacao. Le thé est convoyé du Malawi (autrefois Nyassaland) et du Kenya. Le Nigeria apporte surtout des huiles végétales, en plus du caoutchouc et du coton. Le Zimbabwe (Rhodésie du Sud), le tabac. Le Zanzibar, le sisal dont la production suppléent celle des Philippines et de l’Indonésie, envahies par les Japonais. L’Ouganda produit le coton mais aussi, d’importantes quantités de café. Les Britanniques s’offrent en 1942 le monopole de la production de cacao du Nigeria, pour toute la période de la guerre.

La quantité de cacao sortie du Continent pour approvisionner l’Europe passe de 92,5% en 1938 à 98% en 1941, pour atteindre en 1943, 98,7%. L’exportation d’arachides va de 21,8% en 1938, à 39,4% en 1940 et à 48,4% en 1944. La production de café suit la même courbe ascendante avec un bond significatif entre 1940 (25,9%) et 1943 (80,5%) et 90,7% en 1944. 40% de la production africaine de coton ravitaillent la Grande Bretagne. Le Congo-Belge dès 1941 oriente 85% de ses exportations vers la Grande Bretagne et les États-Unis, contre 5% seulement en 1939.

Minerais de mort

Les minerais africains contribuent à la guerre des occidentaux. La Grande Bretagne augmente sa consommation de minerai de fer de 41,9% en 1938 à 78,4% en 1944. Celle du manganèse, de 34,4% en 1940 à 96,8% en 1944. La même tendance est enregistrée pour le chrome qui passe de 67% (1940) à 86,2% (1944), jusqu’à 91% (1945). La consommation de la bauxite qui était de 58,3% en 1942 passe à 90,8% en 1944. Celle de l’étain a augmenté de 2.750 tonnes en 1939 à 17.300 tonnes en 1945. Le Congo belge fourni d’autres produits essentiels tels le zinc, la cassitérite, le charbon, le cuivre, et le bois de feuillus durs. Mais surtout mille tonnes d’uranium que les Américains ont utilisé pour fabriquer la bombe atomique qui a rasé les populations civiles d’Hiroshima et de Nagasaki.

Ces exportations rapportent énormément financièrement. La tonne de cacao en 1944 est vendue à 122 livres sterling. Un prix record jamais enregistré. Cependant, ces exportations ne profitent pas l’Afrique sous occupation coloniale. Mais aux propriétaires des exploitations agricoles et minières qui sont des Occidentaux.

Morts oubliés

A la fin de la guerre, 50.000 Est-Africains ne sont jamais rentrés chez eux. L’Afrique Occidentale Française (AOF), l’Afrique Équatoriale Française (AEF) et Madagascar luttent aux côtés de la France en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, en Italie, en France et en Allemagne. À la fin des hostilités, on dénombre approximativement 24.271 tirailleurs sénégalais et environ 4.350 Malgaches qui se sont sacrifiés pour la France.

Pour ses morts, l’Afrique s’auto-exclue de la célébration de leur mémoire. Toute la première semaine de mai jusqu’au 9 mai 2025, jour de la grande victoire portée par la Russie, partout en Occident, en Asie, et dans les Amériques, chacun a honoré ses morts. Sauf les Africains.

Pourtant, ils ont les larmes faciles quand il faut pleurer les autres, le 26 avril 2025 ils se sont recueillis autour de la dépouille du pape François. Le 7 janvier 2015, l’attaque contre la rédaction du journal satirique français Charlie Hebdo est suivi le 11 janvier 2015 des manifestations en France, avec plusieurs chefs d’État africains Ibrahim Boubakar Keita (Mali), Mahamadou Issoufou (Niger), Macky Sall (Sénégal), Thomas Boni Yayi (Bénin), Faure Gnassingbé (Togo), Ali Bongo (Gabon), ou encore le Premier ministre tchadien et le ministre des Affaires étrangères algérien. Tous venus marquer leur compassion, Boni Yahi coule de vives larmes en décrétant une journée de deuil national au Bénin.

Discrimination raciale et après

Malgré les sacrifices des Africains pour une guerre qui n’était pas la leur, l’attitude des soldats occidentaux et de leurs commandants envers eux était très souvent partiale et injuste. Ronnie Casrils, homme politique sud-africain, a écrit. ‘‘La discrimination raciale dans l’armée sud-africaine [à la Seconde guerre mondiale] était si profondément enracinée, enterré séparément.’’ À la fin de la guerre, ‘‘les soldats noirs ont reçu en récompense des manteaux et des bicyclettes.’’

Les goums marocains, les spahis algériens, les tirailleurs sénégalais et tant d’autres, qui se sont battus pour la France subissent la même ingratitude. Ces ‘‘excellents combattants, braves et capables des efforts physiques les plus intenses’’, comme les décrivaient ‘‘l’état-major français’’ subissent les mêmes inégalités de traitement depuis la fin de la guerre. Alors qu’ils ‘‘ont donné leur courage, leur jeunesse et, parfois, leur vie à la France’’. Rappelle Alima Boumediene-Thiery au ministre français délégué aux anciens combattants le 2 février 2006. Elle poursuit. ‘‘A travers la loi de finances rectificative de 2002, le Gouvernement a refusé d’appliquer l’égalité de traitement, reconnue par les tribunaux… Le fait d’aligner le montant des pensions sur le niveau de vie de chacun des pays où vivent ces personnes revient à pratiquer une nouvelle discrimination, tout à fait illégale, rejetant dans l’ombre le principe de l’égalité de traitement avec les frères de combat français.’’

Au bout du compte, lorsqu’un ancien combattant français perçoit 100 euros, son camarade sénégalais reçoit avec la réévaluation, 46 euros. Tandis qu’un ancien combattant marocain perçoit désormais 14. En plus, quel que soit l’endroit où un ancien combattant français vit, au Sénégal, au Maroc, ou ailleurs dans le monde, il perçoit la même pension que son compatriote résidant en France belle illustration de la discrimination. Au Congo Démocratique, cette pension est de 5000 francs congolais, soit 4,8 euros, ou environ $5,4.

Journalistes dans le narratif du perdant

Les journalistes africains, camerounais singulièrement, sont incapables de rappeler l’histoire de la participation des Africains à la Seconde Guerre mondiale. Ils ne font pas de recherches sur la question. Par conséquent, ils n’ont aucune base de données sur laquelle construire un débat, exhumer la vérité historique, et replacer les pièces de l’Histoire à l’endroit, afin de corriger les distorsions que les occidentaux apportent dans leur récit, en minimisant l’immense contribution des Africains dans la défaite du fascisme.

Au contraire, lorsqu’ils s’aventurent sur cette piste, ils épousent le narratif des Français. Les rescapés de cette guerre qui biaisent les faits, tronquent le rôle de l’Afrique dans la victoire sur les nazis. La révision de l’histoire dont ces journalistes pour des lentilles participent à la construction, a une visée géopolitique et géostratégique. L’intérêt de cette manipulation est aussi psycho-mental. Elle construit dans la psychologie des futures générations un monde à étagement fait d’une part des supérieurs, et d’autre part des inférieurs, dont ils sont déjà des victimes.


Feumba Samen

PNB

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