Penka Michel : Le documentaire qui invite au dialogue des mémoires et à la réconciliation entre les bourreaux et leurs victimes.

  • Accueil
  • Penka Michel : Le documentaire qui invite au dialogue des mémoires et à la réconciliation entre les bourreaux et leurs victimes.
penka-michel-le-documentaire-qui-invite-au-dialogue-des-memoires-et-a-la-reconciliation-entre-les-bourreaux-et-leurs-victimes

Penka Michel : Le documentaire qui invite au dialogue des mémoires et à la réconciliation entre les bourreaux et leurs victimes.

Depuis la parution du documentaire de Vox Africa intitulé Penka Michel : Toponymie controversée d’une circonscription administrative, nous apprenons avec beaucoup d’amusement qu’un descendant de Penka Michel menace de porter plainte. C’est dommage. Cette attitude vient s’ajouter aux menaces incessantes exercées par ce personnage sur les témoins. Au point qu’aujourd’hui, certains, dont les témoignages ont été recoupés, vérifiés et confirmés, reviennent vers nous en voulant se rétracter. L’on est sidéré de constater que certains parmi nous, dont certaines personnalités, tremblent de peur face à ces menaces. De quoi ont-ils peur ? D’un procès ? Parfois, nous fuyons même quand personne ne nous poursuit. Comment et avec quels mots vous le dire et redire ? N’ayez pas peur ! n’ayez pas peur. Penka Michel ne peut rien vous faire. Il le sait. Les temps ont changé. Il est à jamais révolu, le temps où Penka Michel, le père, faisait arrêter et éliminer des personnes sans défense.

Vouloir à tout prix falsifier l’histoire, enfouir dans les profondeurs de l’oubli ce qui s’est passé, c’est comme si l’on tentait de bloquer une rivière avec ses bras. C’est ce que tente de faire le fils Penka et ceux qui le suivent aveuglement. En attendant le procès, le film continue de faire son petit bonhomme de chemin dans les chaumières et sur les réseaux sociaux. Il a déjà été vu par au moins 35.000 personnes, seulement sur les réseaux sociaux, sans compter les diffusions programmées par de nombreuses chaînes de télévision à l’international. La deuxième partie qui donne la parole aux témoins ayant participé aux crimes de masse dans le camp du carrefour Bawang est en cours de finition par une grande chaîne de télévision internationale. La troisième partie sera diffusée dans les premiers mois de 2026. Déjà, à la rentrée académique d’octobre prochain, les deux premiers volets du film seront diffusés dans les départements d’histoire et d’anthropologie d’une dizaine d’universités de renom, et ce n’est que le début. Le réseau des télévisions universitaires de la francophonie les diffusera au mois de septembre prochain sur l’ensemble de ses 78 chaînes. Ce film en trois parties ainsi que les publications en cours de préparation dans les milieux universitaires inaugure une longue série de publications qui vont donner de la résonance à la thématique de la concurrence des mémoires, de la construction de la mémoire collective des peuples, de l’érection des lieux de mémoire pour lutter contre le négationnisme, le déni et l’oubli, et surtout, de la relation entre l’histoire, la mémoire et l’oubli.

Symbole par excellence de la trahison, icône de la collaboration et de la facilitation de la violence perpétrée par l’armée française au Cameroun, Penka Michel sera l’exemple parfait d’illustration ces thématiques. Les procès n’y changeront rien.

En lieu et place d’une réplique scientifique, nous assistons à une réaction digne d’un autre âge. Après les attaques personnelles sur la vie privée, l’intimidation des témoins et des efforts vains pour tenter d’endiguer la vague déferlante de la vérité historique, voici venu le temps de la délation et des menaces de procès. L’on se croirait encore dans les années du père Penka qui, sur un simple hochement de la tête, ordonnait l’arrestation et la disparition de personnes qui lui auraient manqué de respect. Le fils a décidément de la graine héritée du père. Le sang suit la veine. Comme si, lorsqu’on dépose une plainte, on a déjà gagné le procès. Qui a peur d’aller en procès aujourd’hui pour étaler aux yeux du monde les preuves des «grandes réalisations» de Penka Michel ? Ce sera avec plaisir, et ce sera un honneur de prendre la parole dans un tel cénacle afin que le monde entier sache qui fut réellement ce personnage.

Et même, supposons que Penka Michel gagne son procès contre nous. Ça changera quoi à la vérité des faits ? Écrivons le scénario le plus improbable: qu’il gagne son procès contre Vox Africa, contre Radio Canada, contre France 24, contre Africa 24 et bien d’autres diffuseurs, contre l’association Kwemtche et contre le collectif des 29 associations qui ont contribué à la production de ce film documentaire ainsi que des articles à paraître. Ce sera une victoire à la Pyrrhus, une victoire obtenue au prix de pertes si lourdes pour le vainqueur qu’elle équivaudra quasiment à une défaite. Une telle victoire annulera tout sentiment de succès et compromettra à long terme la situation du vainqueur, d’autant qu’elle donnera aux médias et à la communauté scientifique l’occasion d’exhumer le corps de Penka Michel pour refaire son autopsie historique et mémorielle. Ce sera le procès de l’histoire et d’un homme, ce sera l’occasion de le remiser à jamais dans la poubelle de l’histoire. En outre, pour entamer un tel procès, il faudra avoir du souffle. Ce sera un marathon judiciaire qui pourrait durer une vingtaine d’années tant les publications sur le sujet vont fleurir : articles de presse, mémoires de recherche, publications diverses, reportages, etc. Un second documentaire, encore plus détaillé est en cours de préparation ainsi qu’un numéro spécial d’une revue d’histoire et d’anthropologie dans une prestigieuse université étrangère.

L’Association Kwemtche affirme qu’une telle victoire judiciaire dans le cadre de ce scénario improbable ne changera rien à la vérité historique et aux faits qui sont immuables et infalsifiables. Il y a un prix lourd à payer lorsqu’on veut enfouir la vérité, lorsqu’on veut la falsifier, la manipuler, la travestir.

Les faits sont malheureusement têtus et ineffaçables. Dommage que la grande famille Penka Michel composée d’hommes et de femmes d’honneur, de grandeur et de dignité, terrorisée par la violence de leur frère, laisse l’initiative à ce forçat qui se sert maladroitement du nom du père pour en faire le levier de son ascension sociale et politique.

Personne n’y pourra rien pour falsifier ou effacer ces faits : La concession de Penka Michel fut un haut lieu du crime. Nous le disons à tous les descendants de Penka Michel avec la gravité méritée, et sans exagération. Il y avait trois coupeurs de têtes qui «travaillaient» dans cette concession. L’un d’eux est vivant. Il n’ose même pas dire le nombre de personnes qu’il a décapitées. Plusieurs militaires et gendarmes y ayant travaillé sont vivants. Nous avons recueilli leurs témoignages. Grâce aux archives militaires, l’association Kwemtche a retrouvé plusieurs personnes ayant échappé de justesse à la mort en s’évadant de ce camp de concentration. Parmi ces survivants figure papa Ngoundzo Janvier qui fut arrêté et incarcéré au camp du carrefour Bawang. Il réussit à s’évader en mars 1960 en compagnie de Ndeh Prosper de Bamougoum, de Nbounah Philippe de Bansoa et de Ndaho André de Bansoa. Le traumatisme qu’il a subi fait qu’à ce jour il refuse de croire que Penka Michel est mort.

Les victimes de Penka Michel se comptent par centaines. Une famille originaire de Fondjomekwet a pratiquement été décimée dans ce camp. 19 personnes arrêtées le jour du marché de Fondjomekwet. Deux avaient réussi à s’évader du camp. La douleur de cette famille est indescriptible.

Personne ne peut dormir d’un sommeil paisible dans la concession de PenKa Michel au carrefour Bawang. Ce lieu est maculé du sang des innocents, hanté par les âmes de ceux qui y furent exécutés. Cette concession doit être exorcisée. Cet exercice passe forcément par la recherche de la paix. Il est urgent que les Penka descendent du piédestal de l’arrogance, du mépris et de la condescendance pour reconnaître les faits et approcher les familles des victimes qui sont nombreuses et qui attendent ce geste de fraternité. La main tendue, la reconnaissance des erreurs commises par le père n’est pas un reniement. Bien au contraire, c’est un acte de grandeur que de demander pardon en son nom. Le père Penka a vécu son temps. Il a fait ce qu’il a fait dans les circonstances que l’on sait. Il est responsable de ses actes, pas ses enfants, ni ses descendants. En voulant à tout prix falsifier l’histoire en lui tordant le cou, la Fondation Penka Michel ne rend service à personne. Cette fondation est une honte. Elle est indigne de la grande famille Penka Michel. Ceux qui gravitent autour de ce personnage et l’encouragent dans sa fuite en avant, à s’enfoncer la tête dans le sable pour se cacher derrière sont petit doigt, c’est les mêmes qui, dans son dos, rient aux éclats et nous fournissent des informations glanées de l’intérieur. Devant l’horreur et la désespérance, comment comprendre que des gens normaux suivent comme des moutons de panurge une telle démarche d’imposture ? Avec quels mots réussit -on à convaincre des personnes normales de s’engager dans une telle pantalonnade qui tente de construire l’amnésie et la falsification de l’histoire ? Ils rament à contre-courant de l’histoire. On ne saurait confondre cette tentative odieuse de trucage avec le doute nécessaire et la critique indispensable. Identifier le mal absolu avec le mal ordinaire, diluer les responsabilités dans le mensonge, telles sont les recettes de cette fondation. Si elles revêtent des déguisements variés, ces attitudes portent un nom commun : négationnisme. Le négationnisme, nous l’avons écrit ailleurs, est l’arme des esprits faux et des esprits faibles.

L’association Kwemtche peut jouer le rôle de médiateur entre les familles des victimes et celles des membres de la famille de Penka Michel qui souhaitent engager ce dialogue vers la réconciliation. Nous connaissons ces familles, nous connaissons l’ampleur de leurs douleurs.

L’Association Kwemtche engage les bourreaux et leurs victimes au dialogue des mémoires. Aller vers les autres, accepter le risque de leur regard, le poids de leurs souffrances, c’est comprendre un peu ce qui se cache derrière ces mots abstraits repris par le rapport de la Commission Mémoire «crime de masse», «crime contre l’humanité». L’émotion qui naîtra de ce moment sera une victoire contre l’oubli, contre l’arrogance et contre l’indifférence. Les victimes doivent être reconnues dans leur statut. Elles et leurs enfants doivent porter témoignage des douleurs passées et enfouies. Leur identité est aussi faite de deuils qu’il serait injuste de vouloir nier. Mais ces larmes, ces cris, ces douleurs que l’on ressent au contact des victimes sont nécessaires. Ils aident à gommer les distances dans un monde où la mémoire est devenue un enjeux central, éminemment nécessaire. En partageant dans une solidarité d’intelligence, le souci de comprendre ce qui fait qu’un jour, ici, chez nous, un homme a organisé le massacre d’autres hommes, nous entamons le processus de guérison intérieur de toute la société. Nous brisons les tabous de la suspicion et de la peur. Il n’y a qu’ainsi que nous lutterons contre le crime de l’oubli.

Demander pardon, sincèrement, remettre un franc symbolique à ces familles pour les pertes subies, c’est ça la grandeur des hommes !


Prof. Soh Charles
Président de l’Association Kwemtche

PNB

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recent Posts